Ngo n'uwendeye nyina mu nda y'isi yaramenyekanye:
Bernard Lugan : qui veut faire condamner l'armée française pour le génocide rwandais ? Le génocide de 1994 au Rwanda est actuellement l'objet d'une intense campagne internationale visant à en attribuer la responsabilité à l'armée française. M&Vie a voulu interroger Bernard Lugan, expert auprès du tribunal international pour le Rwanda.
Bernard Lugan, vous venez de publier aux éditions Privat, Rwanda : contre-enquête sur le génocide. j’aimerais, au préalable, vous demander quel est à votre avis, le but de la « mission d’enquête » rwandaise qui séjourne actuellement en France ?
Il ne s’agit pas d’une commission d’enquête, mais d’une équipe composée de chasseurs de « témoignages » dont le but est de fabriquer des « preuves » destinées à tenter d’établir l’implication française dans le génocide… A son retour au Rwanda, des mandats d’arrêt internationaux seront lancés contre plusieurs officiers français, mais l’armée française n’est en rien impliquée dans ce génocide qui, rappelons-le, débuta en avril 1994 alors que les dernières troupes françaises avaient quitté le Rwanda en décembre 1993… De plus, c’est à la demande impérative des actuelles autorités tutsi du Rwanda que la France a alors retiré ses troupes ; or, si elles étaient demeurées sur place il n’y aurait jamais eu de génocide.
Cette « mission d’enquête » n’est-elle pas en réalité une tentative de riposte au rapport Bruguière gênant pour l’actuel régime rwandais ?
Nul ne conteste que l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie aux présidents du Rwanda et du Burundi, tous deux Hutu, fut le détonateur ou le déclencheur du génocide du Rwanda. Or, les Procureurs successifs du TPIR, Tribunal pénal international pour le Rwanda créé par le Conseil de sécurité de l’ONU, ont toujours refusé d’enquêter sur cet acte terroriste. En 2006, dans son rapport-ordonnance, et après avoir identifié et interrogé plusieurs membres du commando ayant préparé ou perpétré l’attentat, le juge Jean-Louis Bruguière a soutenu que le président tutsi Kagame en fut l’instigateur et il a délivré des mandats d’arrêt internationaux contre ses plus proches collaborateurs. Or, la seule « légitimité » du régime de Kigali repose sur le fait qu’il a réussi à persuader l’opinion internationale que ce sont ses propres troupes qui ont stoppé le génocide en s’emparant du Rwanda. Dans ces conditions, s’il s’avérait, comme le pense le juge Bruguière, que l’attentat qui déclencha le génocide a été commis par ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir à Kigali, vous conviendrez avec moi que l’histoire prendrait une toute nouvelle perspective.
Pourquoi avoir intitulé votre livre « Contre-enquête » ?
Précisément parce que je me suis livré à une minutieuse contre-enquête. Aujourd’hui, en 2007, je démontre que nous avons une toute autre connaissance de ces dramatiques évènements qu’il y a encore cinq ans. L’ordonnance du juge Bruguière, les dizaines de milliers de pages des procès-verbaux des audiences devant le TPIR, mes expertises devant ce même tribunal dans plusieurs procès dont celui du colonel Bagosora présenté comme le « cerveau du génocide », les archives de la gendarmerie française au Rwanda (1990-1993), les documents déclassifiés de l’ONU ou ceux du Département d’Etat américain etc., permettent en effet d’affirmer que tout ce qui a été écrit jusque là au sujet du génocide rwandais est faux ou dépassé. Nous savons désormais, et je ne prends que quelques exemples, que :
1. La milice hutu qui génocida les Tutsi fut paradoxalement créée par un Tutsi devenu plus tard ministre dans le gouvernement tutsi du général Kagame. Son responsable à Kigali était lui-même Tutsi ainsi que nombre d’infiltrés dont nous connaissons les noms et les pseudonymes. Leur mission était de créer l’irréversible et de discréditer les Hutu.
2. Entre 1991 et 1994, plusieurs responsables hutu dits « modérés » ont été assassinés, ce qui a provoqué une cristallisation de la haine et la déstabilisation du régime du président Habyarimana accusé d’avoir commandité ces attentats. Aujourd’hui nous savons que ces meurtres sont le fait des Tutsi actuellement au pouvoir au Rwanda. Il s’agissait d’une véritable stratégie de la tension destinée à provoquer le chaos permettant une conquête du pouvoir.
3. Les militaires hutu dits « extrémistes » n’ont pas fait un coup d’Etat dans la nuit du 6 au 7 avril 1994 puisqu’ils ont au contraire permis la constitution d’un gouvernement civil mis en place dès le 10 avril.
4. En dépit de tous ses efforts et de son constant parti pris, l’accusation devant leTPIR n’a pas été capable de démontrer que le génocide avait été programmé, car il ne l’a jamais été.
Ce génocide, qui est réel, a causé la mort de 1 200 000 personnes, mais il y a eu des massacres dans les deux camps. L’histoire du génocide du Rwanda devait donc être totalement réécrite et tel est le but de ce livre dans lequel je décris, exemples à l’appui, comment les partisans du général Kagame ont, de bout en bout, manipulé les Hutu tout en désinformant la communauté internationale. J’explique que leur stratégie de conquête du pouvoir passait par la déstructuration du Rwanda, le terrorisme et la guerre, puisque la mathématique ethnique (85% de Hutu pour 15% de Tutsi) leur interdisait toute victoire par les urnes. Une fois de plus, la démocratie a donc provoqué la catastrophe en Afrique. Dans ce livre, je mets également en évidence l’insolite complaisance du TPIR pour le régime du président Kagame en dénonçant le parti pris et les faiblesses scientifiques des experts du Procureur et un acte d’accusation à la fois singulièrement indigent et clairement aligné sur les thèses de Kigali..
Le fait que vous soyez expert devant le TPIR a-t-il eu une influence sur l’évolution de votre cheminement ?
A l’évidence oui. Outre le fait que j’ai pu avoir accès à l’immense fonds de documentation du TPIR et notamment à la totalité de la procédure, le procès du colonel Bagosora auquel je participe, a ainsi été une étape déterminante dans ma prise de conscience. En effet, procès après procès, et alors qu’il était incapable de démontrer qu’il y avait eu préméditation génocidaire, même si le génocide a bien eu lieu, le procureur, dans une insolite fuite en avant, annonçait avec assurance que le voile se déchirerait lorsque le colonel Bagosora serait jugé et que tout s’éclairerait alors car la démonstration serait faite du complot génocidaire ourdi par l’accusé. Or, c’est le contraire qui s’est produit et toutes les affirmations du procureur ont été réduites à néant. Encore plus grave pour lui et donc pour le TPIR, nous avons même assisté à une véritable décrédibilisation des experts de l’Accusation et à la déroute du procureur lors de ma propre expertise. C’est la grande imposture de la justice internationale que je révèle ainsi au grand jour. Entretien paru dans M&Vie 776 du 17/03/2007 |