Erik,
J'ai lu ton dernier coup de gueule, sur Citegay, avec autant d'intérêt que tes deux livres et je ne peux m'empêcher de te livrer mon sentiment. Sincèrement, ce message n'appelle aucune réaction de ta part : Ne te crois donc pas obligé de "gamberger" quelque réponse que ce soit. Je souhaite seulement que tu lises ce message patiemment jusqu'au bout.
Je n'ai pas d'études philosophiques ou psychologiques derrière moi mais je souhaiterais te soumettre la façon dont je comprends la vie, ses bonheurs, ses malheurs et aussi sa routine, ni bonne, ni mauvaise.
Je crois en Dieu. Traditionnellement élevé dans la religion catholique, j'avais conservé pendant des années une routine spirituelle et j'avais rangé le "Tout Puissant" dans un placard, sans le jeter mais sans jamais lui rendre visite à l'Eglise ni sacrifier aux cérémonies et rites mis en places par les humains. En langage informatique, j'avais diminué la fenêtre sur ce thème sans la fermer complètement.
Au fil du temps, cette fenêtre s'est peu à peu réactivée, au fil des malheurs que j'ai pu croiser, des détresses que j'ai pu rencontrer autour de moi (j'ai 41 ans ! ...) et je me suis surpris à essayer de répondre aux grandes questions : la Vie, la Mort, et tout le bazar. Surtout, je me suis posé, comme la plupart des gens qui doutent de l'existence de Dieu, la très classique question : "Si Dieu existe, pourquoi laisse-t-il faire autant d'horreurs sur cette terre etc, etc, les enfants qui meurent, les malades, les guerres et tout et tout...". Ne t'inquiète pas : Je n'ai pas LA réponse....MAIS... Je me dis que nous avons été créés avec la LIBERTE absolue, à chaque instant de notre vie, de choisir entre le Bien et le Mal.
Je t'ai dit que je croyais en Dieu, mais je crois aussi à Satan. Ca me semble logique : De même que, si l'on admet l'existence de la lumière, on doit admettre celle de son corollaire, l'ombre.
Dès lors, pour ce qui est des guerres, de la violence, des braquages, des crimes, des viols de mômes et tutti quanti, pourquoi ne pas dire que les responsables sont les hommes qui ont usé de cette liberté pour céder à l'Esprit du Mal ? J'ai la liberté de rester chez moi ou celle d'envahir mon voisin, la liberté de planter un couteau dans une vieille qui passe ou de lui laisser la vie sauve, le liberté de me contenter de ce que je gagne, ou celle de piquer dans la poche du voisin, parceque la télé, les pubs, la société m'auront persuadé que ma misère financière était injustifiée, que je "mérite" d'avoir plus d'argent et, comme mon boulot ne m'en donne pas plus, j'ai le "droit" de me servir chez les "nantis".
Mais alors, qu'en est-il des maladies ? de la souffrance de nos amis ? Pourquoi ? Qui les punit ? J'ai fini par comprendre que ce n'était pas une punition. Un jeune qui meurt de maladie suscite la révolte, la rébellion, mais ça fait partie de son parcours de vie et son entourage sera peut-être transformé. Une mort prématurée change les autres, parfois. Le responsable du téléthon a fait ça parcequ'il avait perdu son fils de 12 ans quelques années auparavent. La bonté des êtres comme le Dalaï Lama ou l'abbé Pierre n'est-elle pas partie de malheurs immenses ? On n'est pas bon naturellement, on le devient par le malheur. C'est comme çà... Et pourtant je ne suis pas maso (...Quoique...si... un peu quand même...j'aime bien çà dans le cul) C'est un peu comme sur la route où les automobilistes s'entretueraient pour gagner une place, se font des bras d'honneur, se haïssent mais où, lorsqu'un accident survient, la solidarité prime, on est soudain tous frères dans le malheur d'un corps déchiqueté dans une carcasse fumante de voiture.
On s'émeut toujours moins de voir mourir un vieux de 85 ans, on dit "c'est naturel" mais il paraît que, biologiquement, on est programmé pour vivre 120 ans. Dès lors, le vieux de 85 ans meurt aussi prématurément, dans l'indifférence de ceux qui pensent que c'est "normal".
Tout çà pour te dire que tout dépend de l'angle sous le quel on regarde les choses : C'est un peu comme ces livres de dessins réalisés par ordinateur qui montrent des motifs colorés, naïfs et qui, si on accomode sa vision d'une certaine manière, laissent apparaître une image en relief. C'est très fugitif : On ne le voit que quelques instants et on le re-perd aussitôt. La foi est ainsi. Intransmissible par les hommes : On l'a ou on ne l'a pas, ou, parfois, on l'entrevoit fugitivement et on le perd à nouveau. Je te souhaite de connaître ce petit bonheur qu'on ressent quand on arrive à voir le relief, à voir la vie en 3D, même un tout petit instant et je me dis que si tu as envie de fister Jésus ou de déchirer la muqueuse Divine, c'est que, quelque part, à tes yeux, ils existent... (sourire...)
Ton ami Crevette n'a pas été puni d'avoir eu des plaisirs, un séropositif n'est pas puni d'avoir baisé sans capote : Ca fait partie de son parcours. Que leur vie ait été courte ou longue, ils auront pris du plaisir et en auront donné aussi. N'est-ce pas ce qui compte, au final ? La qualité plus que la quantité de vie ? Aurais-tu eu la même vie si tu n'avais pas été contaminé ? Aurais-tu raisonné comme tu le fais ? Te serais-tu posé autant de questions ? N'aurais-tu pas eu la tentation de mener une vie matérielle confortable sans te soucier de la souffrance des autres ? Je n'ai pas la réponse. Toi seul peux la trouver.
Un mec qui se fait contaminer dans une backroom n'est pas fautif, sa séroconversion n'est pas une punition mais sa vie prendra simplement un autre chemin peut-être beaucoup plus riche que s'il était resté négatif.
Voilà...J'arrête là. Pour ma part, je subis une quadrithérapie qui a eu raison de mes belles joues d'antan mais je vais quand même aux nuits Trash de l'ASMF. Je me fais défoncer parfois sans capote, au gré des pratiques de mes partenaires occasionnels mais je respecte toujours la volonté de "capoter" si le mec le souhaite (...Bien que je trouve que ça chauffe davantage le trou, mais bon... On "fait de la gomme")
Je ne te souhaite pas banalement une "Bonne année" mais plutôt que 2002 te permette de comprendre les malheurs que tu viendrais à croiser et, surtout d'exulter de tous les bonheurs que tu rencontreras.
Amicalement,
Alain.
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