Conférence de presse du M. A. K. à Tizi Ouzou : « Lecture des résultats des présidentielles »
Voici la déclaration préliminaire du MAK lors de la conférence de presse tenue à Tizi-Ouzou dimanche 11 avril 2004 sur les résultats des présidentielles du 8 avril. La conférence a été animée par le porte-parole du MAK Ferhat MEHENNI entouré de plusieurs membres de la Direction dont Mr. Ahmed AIT BACHIR, Mohand Larbi TAYEB et Hemmu BOUMEDINE au siège local du quotidien "Le MATIN".
TIMANIT I TMURT N IQVAYLIYEN
MOUVEMENT POUR L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE
M - A - K
CONFERENCE DE PRESSE
LECTURE DES RESULTATS DES PRESIDENTIELLES
Les élections présidentielles du 8 avril 2004 ont donné les résultats que l’on connaît : Bouteflika est réélu à 83,49% et ses concurrents crient au scandale.
La surprise pour nous vient davantage de l’exorbitant score du vainqueur que de sa réélection dès le premier tour que nous avions annoncée depuis des mois. Ainsi, pour se venger du retrait de ses concurrents d’il y a cinq ans, il a profité de la naïveté de ceux de cette fois pour pousser le bouchon jusqu’à les ridiculiser, les humilier sans état d’âme.
Apparemment, les traditionnelles promesses de quotas n’ont pas été au bout de leur logique. C’est probablement là le sens véritable qu’il y a lieu de donner à cette nouvelle vertu qu’est la neutralité dont d’aucuns ont un peu trop généreusement gratifié la grande muette.
La mascarade électorale n’a jamais autant mérité son nom dans notre pays que lors de ce scrutin qui s’est joué bien avant la campagne électorale proprement dite.
Il appartient aux candidats qui s’en sentent floués de tirer les conséquences de leur désaveu électoral. Eux qui, maintenant, dénoncent la fraude qu’ils nous disaient encore la veille impossible ne sont pas fondés à tricher avec notre réalité politique. Les voix kabyles n’ont manqué à personne d’entre eux.
Le seul motif de satisfaction pour le MAK, et il est énorme, réside dans le taux officiel du boycott de cette élection enregistré en Kabylie, plus de 84% des électeurs kabyles, chiffre qui dépasse celui des suffrages exprimés en faveur du candidat de l’establishment.
Tous les artifices mis en œuvre pour nous faire voter et ramener notre région dans le giron du pouvoir se sont avérés inopérants. A cet effet, nous tenons à féliciter le peuple kabyle qui a manifesté de la manière la plus éclatante et la plus civilisée sa cohésion, son identité propre et sa maturité politique envers et contre tous ceux qui oeuvrent depuis des décennies à le dissoudre dans l’arabisme.
Ainsi, nous avons globalement toute l’Algérie qui a voté à l’exception de la Kabylie qui a boycotté. Le contraste est net. Au lendemain de ce scrutin, la seule opposition au régime demeure notre région.
Même si le MAK n’a pas été la seule force politique kabyle à avoir appelé à ce boycott, il est difficile pour les décideurs et les chancelleries occidentales de ne pas comprendre que le rejet de cette consultation par la Kabylie est une façon pour elle de postuler à la maîtrise de son destin, une manière de poser on ne peut plus clairement la question kabyle et d’exprimer son droit à son autodétermination.
Il n’y a pas pour le pouvoir et pour la région d’autre solution véritable à leur mutuelle défiance et à la crise multiforme qui en a résulté, que celle de l’autonomie de la Kabylie.
La Plate-forme d’El-Kseur elle-même ne peut être mise en œuvre que sur l’étendue de cette partie de l’Algérie et seulement dans un cadre d’autonomie régionale.
Toute négociation avec le pouvoir sur l’avenir de notre région qui n’en tiendrait pas compte sera vouée à l’échec.
Pour notre part, nous sommes disposés à en discuter dans la transparence et la responsabilité avec toutes les parties concernées.
En fait il s’agit de traduire de manière institutionnelle le verdict des urnes kabyles.
A cet effet, le MAK appelle toutes les forces vives de la Kabylie dont les délégués des Ârchs, les partis, le mouvement associatif et syndical, les cadres et les universitaires, les commerçants et les opérateurs économiques à apporter toute leurs énergies au projet d’autonomie régionale kabyle.
Il est vital pour elles sinon de renforcer les rangs du MAK, du moins de recentrer tous leurs efforts, toutes leurs luttes sur les intérêts bien compris de la Kabylie. Ceci est d’autant plus urgent que cette réélection présidentielle piège l’avenir de la démocratie dans l’ensemble du pays en général et dans notre région en particulier.
C’est la bataille politique de notre destin que nous sommes en train de livrer. L’écrasant score du président sortant et ses ambitions de faire de notre pays une monarchie moyen-orientale conjugués à ses soutiens islamobaathistes à l’intérieur comme à l’extérieur du pays pourraient ne rien présager de bon pour le peuple kabyle.
Il est certain que Bouteflika, fort de cette réélection-plébiscite ne manquera pas de se doter d’une nouvelle constitution dans laquelle le fait kabyle sera, dans l’essentiel de ses manifestations, sinon criminalisé du moins réprimé.
De sombres jours se profilent à l’horizon pour tous, mais la Kabylie qui ne demande qu’à vivre dans la paix et à être respectée dans ce qu’elle est restera toujours debout et plus que jamais déterminée à lutter contre la dictature de quelque nature qu’elle soit.
Le MAK en appelle à tous les médias acquis aux valeurs de démocratie et de respect des droits humains mais qui nous ont censurés de par le passé à ce qu’ils se rendent à cette évidence qu’ils n’auront d’avenir dans notre pays que s’ils apportent leur soutien au projet d’autonomie de la Kabylie.
Celle-ci, grâce entre autres à leur contribution, en dotant demain notre région de ses propres institutions, pourra salutairement diffuser autour d’elle et à travers toute l’Algérie les espérances et les nobles idéaux que nous avons en commun avec eux.
L’opinion et les instances internationales sont prises à témoin sur les dangers de répression qui planeraient de nouveau sur la Kabylie suite à la réélection d’un homme qui, jusqu’ici, a fait de l’antikabylisme son cheval de bataille.
Notre Mouvement qui ne laissera jamais la Kabylie s’effondrer met aujourd’hui, ici et ailleurs, chacun devant ses responsabilités.
Kabylie le 11 avril 2004
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