L'ouvrier adhère à l'expérience ; il ne perd jamais le contact ; mais le théoricien aussi, à sa manière ; et le technicien se trouve placé entre ces deux extrêmes. Palissy, autant qu'on sait, était un ouvrier d'émaux ; mais non pas un pur ouvrier, car il cherchait. Le propre de l'ouvrier c'est qu'il invente sans chercher, et peut-être en refusant de chercher. Guidé par la chose, par l'invariable outil, par la tradition, il ne se fie jamais à ce qui est nouveau ; il invente par des changements imperceptibles à lui-même. La pirogue, la voile, l'arc, le moulin à vent, l'agriculture, la cuisine, l'art de dresser et d'élever les animaux, sont dus à cette pratique serrée et prudente, pendant une immense durée, de maître en apprenti, et, plus anciennement, de père en fils. L'art du luthier est un de ceux où l'on peut admirer un lent progrès par pure imitation. La technique s'y met présentement, et l'on tente de produire des sons de violoncelle sans violoncelle. À l'autre extrême, un Helmholtz analyse les timbres, et nous apprend de quels sons harmoniques se composent les voyelles. Tous suivent l'expérience et interrogent la chose. Le premier suit les procédés connus ; le second invente des procédés ; le troisième cherche à comprendre, c'est-à-dire à débrouiller ses propres idées.
Questions : 1/ qu'est-ce qui, dans ce texte, réunit et distingue à la fois l'ouvrier (ou l'artisan), le technicien et théoricien? 2/ comment le théoricien adhère---il "a sa manière" à l'expérience? 3/ expliquez, puis discutez brièvement : "le propre de l'ouvrier c'est qu'il invente sans chercher et peut etre en refusant de chercher" 4/ après avoir lu ce texte, comment définiriez vous les rapport entre science et technique?
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